![]() L’historien Yuval Noah Harari identifie quatre leviers : accroître le nombre de « processeurs » (humains), leur variété, le nombre de connexions entre les processeurs et la liberté de circulation via les connexions existantes. Au début de l’humanité, les facultés cognitives de l’être humain lui ont permis de traiter les informations mieux que les autres animaux pour maitriser son environnement naturel. Cette faculté de communiquer a permis aux humains d’utiliser la force de la multitude, puis d’exploiter progressivement cette force sur le monde entier en s’adaptant à des contraintes environnementales différentes.
La séparation géographique s’est traduite par l’apparition de cultures hétérogènes correspondant à une augmentation de la variété des « processeurs », mais non connectés entre eux. C’est la période des chasseurs-cueilleurs. Les travaux de l’anthropologue Robin Dunbar ont montré que la taille d’une tribu tournait autour de groupes sociaux de 150 individus, ce qui constituerait la taille limite pour une gestion naturelle d’un groupe social cherchant à optimiser ses interactions. On retrouve cette limite dans le nombre de personnes avec lesquels chacun entretient des relations personnelles. La phase suivante correspond à la révolution agricole qui va permettre à de grands groupes d’humains de vivre en proximité. L’agriculture impacte positivement la démographie. Il en résulte un réseau plus dense de processeurs qui peuvent communiquer ensemble, voire coopérer. Le néolithique est marqué par de profondes mutations techniques et sociales, mais le mode de vie tribal autonome reste la norme. Ce n’est qu’avec l’invention de l’écriture et de la monnaie il y a cinq mille ans que peuvent se mettre en place des règles de vie communes au sein de villes et même d’empires. La confiance se renforce et la coopération est désormais facilitée, permettant de partager ses informations et interactions entre chacun des membres de communautés de plus en plus larges. Le nombre de connexions entre les processeurs augmente d’autant plus que des échanges s’organisent entre les cités. Des liens se structurent culturellement autour de religions communes qui permettent de commencer à unifier les réseaux d’information entre eux. Lors de la quatrième, et dernière, phase qui commence avec la révolution scientifique, la circulation d’hommes et de femmes de toutes cultures s’organise sur tout le globe. L’information circule partout et de plus en plus vite, les freins culturels et les frontières politiques s’estompant. L’État de droit, puis la mondialisation, contribuent à l’efficacité de la circulation de l’information jusqu’à constituer un réseau unique. La perspective de Yuval Noah Harari positionne la circulation de l’information comme le moteur de l’histoire de l’humanité dont le dessein est de faire émerger un réseau global regroupant tout l’univers (ce qui se traduirait pour lui par l'internet-de-tous-les-objets). En même temps qu’on instaure un droit à la déconnexion, on débat d’un droit à la connexion pour tous[1]. L’ONU allait dans ce sens dès 2012 en inscrivant le droit à l’accès à internet. Fin 2023, la Commission des Nations Unies sur le haut débit annonçait même vouloir mettre un terme à l’exclusion numérique d’ici 2030. Tous connectés ! Une question est de savoir si nous ne sommes pas au début d’une cinquième phase où nous contribuons justement à la création d’un réseau d’informations qui pourrait finalement se passer de l’homme. Cela passe par une étape intermédiaire où l’humain se conçoit non seulement comme un processeur, mais aussi comme un système de traitement de ses propres données. [1] Depuis 2016, un opérateur français ne peut déjà plus suspendre unilatéralement une ligne internet pour impayé.
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AuthorDocteur en sciences de l'information et de la comunication, Laurent Darmon est le Directeur de l'Innovation de l'une des dix premières banques du monde Archives
Juin 2025
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