BIENVENUE DANS LE DATATAÏSME
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L’école face au défi de l’intelligence artificielle

6/7/2025

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​Si nous entrons dans un nouveau paradigme, il est urgent que l'école puisse s'adapter pour former les enfants à un monde professionnel en transformation et les futurs citoyens à une société aux référents mouvants

 Lorsque l’IA générative est arrivée dans nos vies, le débat s’est immédiatement focalisé sur son usage ou non par les élèves. Sciences Po a commencé par l’interdire avant de faire machine arrière comme beaucoup d’autres établissements. Un débat similaire avait eu lieu vingt-cinq ans plus tôt avec la crainte que l’encyclopédie Encarta ne remplace les livres, puis que Wikipedia ne fasse fermer les bibliothèques. Si depuis cette époque, un changement a bien eu lieu dans nos façons d’apprendre grâce aux nouvelles technologies, ces outils n’ont clairement pas eu les effets escomptés pour la multitude comme le montre le 26e rang de la France au classement Pisa. Dans le tourbillon dataïste, ce n’est pas tant Wikipédia et Google qui ont affecté le niveau des élèves que l’ensemble des sollicitations numériques et l’exigence même de l’école. Alors qu’on pourrait en solliciter plus à des élèves qui ont tant de savoir à portée de clic, on en demande moins.
Il n’y a pas de raison qu’il en soit différemment avec les capacités prométhéennes de l’IA désormais capable d’effectuer un travail de recherche, de compilation et de synthèse en quelques secondes. Son usage s’est naturellement imposé sur les bancs des universités, si bien qu’en avril 2024, une étude montrait un taux d’adoption de 99% en 4ème année du Pôle Léonard de Vinci.
Chez les enseignants, l’intelligence artificielle est déjà une option pour dégager du temps dans la correction des copies et la préparation de cours adaptés à certaines typologies d’élèves. La profession fait aussi évoluer les modalités d’évaluation sur la base d’examens adaptés à la cohabitation avec l’IA.  Mais l’enjeu majeur pour l’école est de préparer nos enfants à une double réalité
 
Cohabiter avec une intelligence gratuite face à des métiers en mutation

Pour préparer au monde du travail, on devait tous apprendre à coder, mais la machine le fait déjà mieux que nous. Nous devons savoir présenter des idées mais l’IA générative s’avère également de plus en plus performante dans cet exercice.  Désormais, il ne s’agit plus seulement d’apprendre à faire, mais d’apprendre à cohabiter avec une intelligence quasi-gratuite et accessible à tous. Cette nouvelle capacité peut démultiplier les possibilités, mais elle annonce l’émergence d’une inégalité entre ceux qui sauront exploiter les algorithmes et les autres. L’école doit donc préparer les élèves à utiliser efficacement ces outils tout en conservant des enseignements de base indispensables (lire, compter et partager une culture commune). Alors comment faire de la place ? Les outils numériques apporteront sans doute une solution pour parfaire ces apprentissages, notamment en dehors de l’école.
 
Vivre en citoyen à l’ère d’une vérité sans remise en question

L’école nous a aussi appris à chercher une information parmi des sources diverses et à nous y fier. Une approche qui devient hasardeuse à mesure que les garde-fous de l’information s’effondrent. Les tenants de la post-modernité ont trouvé avec internet un écho inédit pour remettre en cause les institutions et les récits nationaux. La traduction de ce mouvement de déconstruction est désormais une porte ouverte sur un monde virtuel où avatars et fakenews s’invitent dans notre quotidien. Quel rôle alors pour une école qui préparerait à évoluer dans un monde où l’information et la vérité sont deux choses bien distinctes ? L’école a ce nouveau devoir de former à l’identification des biais cognitifs, à la validation d’une information qui permettent le développement de l’esprit critique.
 
Évitons de former des étudiants obsolètes
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Alors que l’IA projette une société dont nous avons du mal à en définir les contours, l’enseignement doit encourager les générations futures à se projeter et à trouver de nouvelles voies plus adaptées à ce monde en cours de construction. La reproduction des modèles à la base de l’école de Jules Ferry atteindra bientôt ses limites. Pour éviter de fabriquer des étudiants obsolètes, nous devons revenir à des fondements plus socratiques : apprendre à apprendre. Nos jeunes doivent entrer dans la vie professionnelle en maîtrisant le concept d’amélioration continue pour eux-mêmes. Il en va sinon de notre obsolescence à tous.
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Une autre histoire du monde

29/6/2025

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Le dataïsme considère que l’univers répond à des règles de traitement de l’information que la science extrait progressivement, au fil de ses progrès. Les mathématiques permettent ainsi de parler un langage commun entre les disciplines en traduisant les évènements en données traitées. ​

La tendance universitaire est à l’interdisciplinarité qui cherche à utiliser les apports d’une expertise dans d’autres domaines. Les sciences sociales et économiques s’attachent à se rationnaliser par des études statistiques, tandis que le digital fait tomber les murs entre les métiers. Ce n’est que le prolongement de l’intuition posée par Descartes, que tout phénomène doit pouvoir s’expliquer par des « lois » mathématiques. 
L’approche dataïste s’avère un outil puissant pour comprendre le monde et interagir avec lui de façon proactive. C’est donc une philosophie particulièrement adaptée pour l’homme qui ne peut plus s’appuyer sur le religieux et qui a perçu les limites de l’humanisme depuis trois siècles. Comme pour ces paradigmes, le dataïsme nous met face à une transcendance : l’être humain est un pion au milieu d’un écosystème bien plus large que ce qu’il peut appréhender naturellement. Platon distinguait déjà dans La République le Visible du monde des hommes (dans la caverne) et de la Vérité du monde des idées (à la lumière du soleil). Thomas d’Aquin formalise dès le XIIIe siècle comment foi et raison peuvent s’intégrer en les faisant cohabiter à deux niveaux différents : les choses sont réelles ou non, tandis que ce qu’on dit est conforme ou non à la volonté de Dieu. Lorsque la pensée scientifique a commencé à s’imposer, cela a permis de négocier les incohérences entre la réalité du monde humain et la foi du religieux. Le dataïsme suit la même voie de replacer la réalité des hommes dans un univers plus large qui ne nous est pas directement accessible, car se définissant à un autre niveau, celui de l’information et de son traitement.
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Les lois de la physique, la biologie et la chimie n’ont pas attendu l’apparition d’homo sapiens pour définir le fonctionnement de l’univers. Il y a donc là-aussi une vérité du monde dépassant la réalité des humains. La vérité transcende le réel. Pour le dataïste, si l’information apparait désormais au centre du fonctionnement de nos sociétés, ce n’est que le résultat d’un processus en cours depuis longtemps : le monde actuel n’est que le nouveau chapitre d’une histoire où l’information a toujours été au cœur de l’histoire de l’homme. C’est l’hypothèse justement développée par l’historien Yuval Noah Harari d’abord dans son ouvrage Sapiens, puis dans Homo Deus où il cherche à identifier les tendances de demain à partir des logiques sociétales à l’œuvre aujourd'hui et hier : « Dans une perspective dataïste, nous pouvons interpréter l'espèce humaine tout entière comme un seul système de traitement de données, dont les individus seraient les puces. L'histoire serait alors le processus qui vise à améliorer l'efficacité de ce système ». 
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Pourquoi le populisme prospère-t-il à l'ère du dataïsme ? Une exploration tirée de "Bienvenue dans le dataïsme !

9/6/2025

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Le dataïsme appréhende le monde comme un vaste flux d'informations traitées par des algorithmes, redéfinit notre économie, notre politique et nos relations sociales. Une des conséquences les plus frappantes de cette ère nouvelle est la manière dont elle semble favoriser le développement du populisme. Mais pourquoi cette convergence ?
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1) La désintermédiation : une aubaine pour le discours populiste
L'un des piliers du dataïsme est la désintermédiation. Les canaux traditionnels d'information et d'influence, tels que les médias établis et les partis politiques classiques, voient leur rôle d'intermédiaire s'affaiblir. Cette évolution ouvre un espace que le populisme investit avec succès, en cherchant un échange direct avec le peuple, contournant ainsi les filtres habituels. 
Le populisme "se fond dans le dataïsme qui, justement, rejette l’intermédiation de l’individu et prône l’échange direct du peuple avec le peuple". Cette rupture permet aux figures populistes de s'adresser directement à une large audience, sans filtre. Gianroberto Casaleggio et Beppe Grillo, avec le Mouvement 5 Étoiles en Italie, ont utilisé un blog pour identifier les attentes des électeurs et leur "tenir le discours qu’ils souhaitent", adaptant leur message en continu grâce à l'analyse des données issues des échanges avec les électeurs sur ce même blog.

Nous sommes entrés dans une "société des émotions". Sur les réseaux sociaux, vecteurs privilégiés du dataïsme, l’émotion est souvent plus forte que la raison. Et comme l’émotion négative se révèle plus performante que l’émotion positive,  Les partis extrémistes et les discours populistes, qui s’exprimant mieux sur les émotions négatives, permettent de polariser le débat public et de rebondir sur les colères. Chaque nouveau récit s’adresse à notre rationalité, mais en passant par nos émotions, carburant du populisme


2) L'effritement de la confiance : le populisme en embuscade
Les algorithmes qui régissent notre expérience en ligne nous enferment souvent dans ce que l'on nomme des "bulles de filtres", limitant notre exposition à des perspectives diversifiées. Ces bulles peuvent se transformer en "chambres d'écho médiatique", où les narratifs populistes sont amplifiés et répétés, "gagnant en crédibilité" sans confrontation critique. Dans cet univers, la notion même de vérité objective devient malléable, et "trop d’information tue l’information", favorisant la propagation d'infox.

Le dataïsme s'accompagne d'une remise en cause des représentants de l’autorité publique et d'une défiance envers les "experts de la vérité". L'affaiblissement de la parole des experts est notable. Le populisme se nourrit activement de cette défiance, se positionnant comme une alternative "anti-système", un discours qui résonne particulièrement dans une société où les corps intermédiaires sont contestés.

3)  Le populisme : maître des outils dataïstes et des dynamiques identitaires
Les acteurs populistes ont rapidement compris comment utiliser les outils du dataïsme à leur avantage. Ils ont, en quelque sorte, "épousé l'algorithme" pour construire des machines politiques efficaces. L'analyse de données permet un ciblage précis des messages, et la viralité inhérente aux réseaux sociaux assure une diffusion rapide des idées, même les plus clivantes. La montée du populisme dans les démocraties occidentales se renforce d’une parole libérée sur des médias où les prises de position les plus engagées sont les plus visibles par le jeu des partages et des likes.
De plus, le dataïsme, en favorisant le rejet de l'intermédiation et en permettant à l'individu de se connecter à des communautés choisies, peut exacerber les revendications identitaires. Les réseaux sociaux permettent à des communautés de se former et de se renforcer autour de marqueurs identitaires spécifiques. Le populisme puise souvent sa force dans ces dynamiques, en s'adressant à des groupes qui se sentent incompris ou menacés, et en opposant une "multitude" partageant "les mêmes données pour construire la même fiction" aux élites ou à d'autres groupes.


En conclusion, ce n'est pas tant que le dataïsme engendre le populisme, mais il lui fournit un écosystème et des instruments qui en amplifient la portée et l'efficacité. La convergence entre la "société de l’information" et les stratégies populistes pose des défis majeurs à nos démocraties.  Il est donc nécessaire de remettre en place des contre-pouvoirs afin défendre le débat démocratique et soutenir la vérité.


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La société cyberpunk ! une intuition du dataïsme

1/6/2025

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Le mouvement Cyberpunk né dans l'univers geek des années 80 mettait en scène un futur proche où la technologie s'imposait dans notre quotidien avec des héros intégrant nativement l'ère de la post-vérité. Le rapprochement d'Edouard Fillias avec la société d'aujourd'hui est éclairant.
Je partage ici la réflexion d’Edouard Fillias, CEO de JIN, qui revient sur l’Univers cyberpunk projeté par certains artistes des années 80, et notamment William Gibson en … 1984 (!). Il observe que la dystopie a rejoint notre réalité.  Neuromancien (qui aura le droit à deux suites) est considéré comme une œuvre de référence de ce mouvement et ses influences dans Matrix, Ghost in the shell et Player One sont évidentes. Mais ce serait oublier Blade runner sorti sur les écrans deux ans plus tôt et tiré de l'œuvre écrite en 1966 par Phlip K. Dick dont on peut apprécier le joli titre : " les androïdes rêvent-ils de moutins électriques ?". A travers la description d'un monde où l'humain s'hybride de plus en plus avec la machine et le virtuel, il s'agit à chaque fois d'interroger ce qui fonde notre humanité. A l'heure où l'intelligence s'autonomise et devient abondante, la question n'a jamais été autant d'actualité.

Contrairement à ce que prévoyait George Orwell en 1948, ce n’est pas un état autoritaire qui nous y a conduit, mais nos choix conscients dans un monde dataïste.
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De la socialisation à distance à la distanciation sociale

25/5/2025

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J'ai découvert récemment le coup de gueule de Pierre Fayolle sur LinkedIn et je ne peux m'empêcher d'y associer ma sympathie (A lire ci-contre).
Pierre s'énervait, à juste titre, de cette pratique répandue dans les visioconférences de voir une partie importante des participants couper leurs caméras. Au-delà de la perte potentielle en qualité d'échange et d'un engagement qui peut sembler moindre (ce qui n'est pas une généralité), c'est surtout notre capacité à interagir pleinement, humainement, qui s'en trouve affectée. Il devient difficile de transmettre toute la richesse des interactions humaines : capter un sourire, voir une réaction, faire passer une émotion. Ce phénomène, anodin en apparence, pourrait bien être un symptôme discret d'une transformation plus profonde de notre société, un glissement vers ce "dataïsme" ambiant, où l'interaction humaine directe cède le pas à des échanges désincarnés. Un risque majeur quand les chatbots se posent en concurrents à l'intelligence humaine.
Le télétravail généralisé et la possibilité de couper sa vidéo lors des échanges auront été l'un des legs marquants des confinements de 2020 et 2021. À l'époque, ces écrans noirs étaient souvent justifiés par une bande passante limitée, lorsque les systèmes n'étaient pas encore optimisés pour un usage vidéo intensif, ou par une discrétion bienvenue des employeurs soucieux de ne pas s'immiscer dans l'intimité des foyers, en l'absence d'accords d'entreprise adaptés. Depuis, les logiciels de visioconférence se sont tous dotés de fonctions de floutage d'arrière-plan et les entreprises ont, pour la plupart, renforcé les capacités de leurs réseaux. Certes, le sujet de l'empreinte carbone du numérique existe, mais son impact doit être relativisé face à celui d'une journée en présentiel impliquant des transports domicile-travail. Les excuses techniques s'amenuisent, mais la pratique, elle, perdure.

De nombreuses entreprises commencent d'ailleurs à réduire le télétravail, constatant que ce qui fait la force d'une organisation n'est pas seulement l'engagement individuel dans une mission, mais bien la puissance et la qualité des interactions entre collaborateurs. Une entreprise n'est pas un simple regroupement d'indépendants liés par un objectif commun, mais un véritable collectif. Avec l'écran noir et des participants qui, au mieux, interviennent sporadiquement, on risque de voir nos réunions ressembler, du moins dans la forme, à des échanges avec des chatbots. Comme le souligne Pierre Fayolle, où sont passées ces émotions qui fondent notre humanité, ces capacités précieuses à identifier ces non-dits qui en révèlent tant ? En nous habituant à des interactions désincarnées, ne nous transformons-nous pas, nous-mêmes, en simples "points de données" ?
Les confinements n'ont peut-être fait qu'accélérer une tendance de fond, un glissement vers l'individuel que le dataïsme, avec son cortège d'outils numériques, avait déjà amorcé. La formule du "monde d’après", si séduisante, laissait espérer une prise de conscience, de nouveaux réflexes. Pourtant, ce monde d'après ressemble souvent étrangement à celui d'avant, avec toutefois une accélération de certaines dynamiques. La distanciation sociale imposée par la lutte contre la Covid-19 aura été un marqueur fort, accentuant une individualisation déjà à l'œuvre :
  • Le retour au travail à la tâche, facilité par les plateformes de microtasking ou celles sollicitant livreurs et chauffeurs.
  • La désintermédiation, qui permet à un petit acteur d'accéder à une clientèle mondiale, mais qui peut aussi isoler.
  • L’essor de l’auto-entrepreneuriat, remplaçant parfois le collectif du salariat par l'indépendance du freelance.
  • Et donc ce télétravail, qui se traduit souvent par des travailleurs isolés dans leur salon, parfois exigu, loin du partage et de l'émulation des espaces de travail communs.

Ces chocs réorientent le cours de nos sociétés. Albert Hirschman avait théorisé comment les individus et les sociétés oscillent par phases entre la quête du "bonheur privé" et l'engagement dans l'"action publique". Ce repli derrière l'écran noir, ce choix d'un confort individuel – ne pas avoir à se soucier de son image, de son arrière-plan – n'est-il pas une micro-manifestation de cette phase où l'on privilégie son "bonheur privé", au détriment de la richesse de l'"action publique" que constitue une réunion pleinement participative ? Et cette habitude se normalise d'autant plus vite que, comme l'a montré Robert Cialdini (dans Influence: The Psychology of Persuasion, 1984), nous sommes enclins à imiter le comportement des autres, surtout dans l'incertitude des nouvelles normes professionnelles qui émergent à l'ère du dataïsme.
Le défi est de taille : il nous oblige, entreprises comme individus, à savoir nous adapter pour passer de la distanciation sociale subie à une véritable socialisation à distance, choisie et enrichie. Car derrière nos écrans noirs, c'est bien notre humanité que nous voilons, à une époque où elle est de plus en plus questionnée, voire "challengée", par l'intelligence artificielle. En estompant nos expressions, en filtrant nos présences, en rendant nos échanges plus proches d'une transaction de données que d'une rencontre, ne nous rendons-nous pas plus aisément compréhensibles comme de simples ensembles de données, plus facilement simulables ou, à terme, remplaçables par des IA qui excellent dans le traitement de l'information désincarnée ?
Alors, pour préserver cette richesse irréductible de l'interaction humaine : rallumons la lumière !
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Keynote "Bienvenue dans le dataïsme"

18/5/2025

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 La semaine dernière, j’ai eu le plaisir d’intervenir à la Maddy Keynote | MKIA organisée par Maddyness, un événement incontournable dédié à l’IA et à ses applications concrètes dans nos organisations. Sur la belle scène de la Salle Gaveau, j’ai partagé la réalité de l'évolution vers le dataïsme. Un sujet aussi fascinant que structurant, qui soulève de vraies questions pour les entreprises et pour nos comportements.

​Voici l'intégralité de la Keynote.
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Les quatres phases de l'histoire du monde dataïste par Yuval Harari

11/5/2025

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​L’historien Yuval Noah Harari
 identifie quatre leviers : accroître le nombre de « processeurs » (humains), leur variété, le nombre de connexions entre les processeurs et la liberté de circulation via les connexions existantes.

Au début de l’humanité, les facultés cognitives de l’être humain lui ont permis de traiter les informations mieux que les autres animaux pour maitriser son environnement naturel. Cette faculté de communiquer a permis aux humains d’utiliser la force de la multitude, puis d’exploiter progressivement cette force sur le monde entier en s’adaptant à des contraintes environnementales différentes.
La séparation géographique s’est traduite par l’apparition de cultures hétérogènes correspondant à une augmentation de la variété des « processeurs », mais non connectés entre eux. C’est la période des chasseurs-cueilleurs. Les travaux de l’anthropologue Robin Dunbar ont montré que la taille d’une tribu tournait autour de groupes sociaux de 150 individus, ce qui constituerait la taille limite pour une gestion naturelle d’un groupe social cherchant à optimiser ses interactions. On retrouve cette limite dans le nombre de personnes avec lesquels chacun entretient des relations personnelles.

La phase suivante correspond à la révolution agricole qui va permettre à de grands groupes d’humains de vivre en proximité. L’agriculture impacte positivement la démographie. Il en résulte un réseau plus dense de processeurs qui peuvent communiquer ensemble, voire coopérer. Le néolithique est marqué par de profondes mutations techniques et sociales, mais le mode de vie tribal autonome reste la norme.
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Ce n’est qu’avec l’invention de l’écriture et de la monnaie il y a cinq mille ans que peuvent se mettre en place des règles de vie communes au sein de villes et même d’empires. La confiance se renforce et la coopération est désormais facilitée, permettant de partager ses informations et interactions entre chacun des membres de communautés de plus en plus larges. Le nombre de connexions entre les processeurs augmente d’autant plus que des échanges s’organisent entre les cités. Des liens se structurent culturellement autour de religions communes qui permettent de commencer à unifier les réseaux d’information entre eux.

Lors de la quatrième, et dernière, phase qui commence avec la révolution scientifique, la circulation d’hommes et de femmes de toutes cultures s’organise sur tout le globe. L’information circule partout et de plus en plus vite, les freins culturels et les frontières politiques s’estompant. L’État de droit, puis la mondialisation, contribuent à l’efficacité de la circulation de l’information jusqu’à constituer un réseau unique.
La perspective de Yuval Noah Harari positionne la circulation de l’information comme le moteur de l’histoire de l’humanité dont le dessein est de faire émerger un réseau global regroupant tout l’univers (ce qui se traduirait pour lui par l'internet-de-tous-les-objets). En même temps qu’on instaure un droit à la déconnexion, on débat d’un droit à la connexion pour tous[1]. L’ONU allait dans ce sens dès 2012 en inscrivant le droit à l’accès à internet. Fin 2023, la Commission des Nations Unies sur le haut débit annonçait même vouloir mettre un terme à l’exclusion numérique d’ici 2030. Tous connectés !
Une question est de savoir si nous ne sommes pas au début d’une cinquième phase où nous contribuons justement à la création d’un réseau d’informations qui pourrait finalement se passer de l’homme. Cela passe par une étape intermédiaire où l’humain se conçoit non seulement comme un processeur, mais aussi comme un système de traitement de ses propres données.


[1] Depuis 2016, un opérateur français ne peut déjà plus suspendre unilatéralement une ligne internet pour impayé.
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Matrix : l'éveil du dataïsme

4/5/2025

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Lorsque l’on repense à Matrix, l’œuvre dystopique cyberpunk des Wachowski, on constate qu’il dépasse largement le cadre de la science-fiction pour se muer en une véritable réflexion sur notre époque. Certains y ont vu une allusion aux complotismes quand d’autres font le rapprochement avec l’Allégorie de la caverne de Platon. La vérité est ailleurs.

Le film nous plonge dans un univers où la réalité est construite par d’incroyables flux de données. Il n’est pas avare d’effets cinématographiques plus ou moins novateurs mais très impactants (générique avec sa pluie de chiffres, dédoublement de l’agent Smith, silver bullet…).
Dans cet univers, la perspective dataïste – la croyance que les datas constituent désormais l’essence même de la réalité – se trouve incarnée par des machines impitoyables. Ces dernières représentent la force invisible de la modernité, rappelant que chaque interaction sur les réseaux sociaux et recours à un objet connecté contribuent à alimenter un système qui, tout en nous semblant nous offrir de la liberté, contrôle en fait subtilement nos comportements. Ce paradoxe, où le digital apparaît à la fois comme outil d’émancipation et asservissement, trouve un écho surprenant dans des débats actuels sur la manipulation de nos choix et la marchandisation de notre intimité.

Le film date pourtant de plus d’un quart de siècle. L’angoisse de perdre notre autonomie n’a fait que s’intensifier : nous sommes, aujourd’hui, confrontés à l’omniprésence des algorithmes qui orientent nos vies et altèrent notre libre-arbitre.. À l'image du choix symbolisé par la pilule rouge ou bleue, il nous appartient de nous déconnecter mais le faire est « douloureux » tant le virtuel nous rassure.

Le smartphone, prolongement de nous-mêmes, matérialise ce nouvel attachement aux algorithmes et notre addiction au virtuel. Dans ce contexte, nous oscillons constamment entre la promesse d’une connexion universelle et la menace d’une aliénation continue, perdant peu à peu le contrôle sur la narration de notre propre existence.
Matrix raconte avant tout cette prise de conscience de soi-même (même si les Wachowski admettent désormais avoir couplé ce sous-texte à une perspective personnelle liée à leur coming-out, sujet connecté directement à cette idée de révélation de soi dans un monde factice).

Au-delà de son impact visuel, le film reste une véritable invitation à questionner notre époque et le concept de vérité.
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Annonce de la sortie du livre "Bienvenue dans le dataïsme"

1/5/2025

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Mardi 29 avril, J’ai eu le plaisir d’intervenir à la Maddy Keynote | MKIA organisée par Maddyness, un événement incontournable dédié à l’IA et à ses applications concrètes dans nos organisations.

Sur la belle scène de la Salle Gaveau, j’ai partagé la réalité de notre évolution vers le dataïsme. Un sujet aussi fascinant que structurant, qui soulève de vraies questions pour les entreprises et pour nos comportements. Lors de cette keynote, ce fut l'occasion d'annoncer la sortie prochaine de mon livre dédié à ce mouvement post-humaniste qui change profondément notre société. En précommande ici.
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Sur Scène,  Clara Chappaz, ministre déléguée de l'Intelligence artificielle et du numérique, est venue ensuite partagée quelques messages clé
  • L’IA est un changement de paradigme impliquant un pilotage politique et national,
  • ​La Fance a une crédibilité sur l’IA car elle investit dans la recherche et l’écosystème (109 Md€ investis dans l’IA en France) tandis que l’Europe a annoncé 200 Md€ d’investissements également,
  • La réglementation doit être un cadre porteur (en lien avec le projet de simplification du gouvernement),
  • Il faut collectivement agir et dialoguer pour que la perception de l’IA par les Français (peur sur l’emploi, sur la manipulation, sur l’utilisation des datas) ne soit pas un frein pour construire la France de demain, performante pour tous.

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Pré-dataIsme : histoire d'un monde qui se prépare à la révolution de l'information

27/4/2025

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Les religions et la société humaniste ont permis de satisfaire notre besoin vital de comprendre le monde, de donner du sens à nos vies. Après les désillusions du XXe siècle, la télévision puis le numérique vont changer les choses, car, avec eux, l’information submerge le monde. Après le temps du Pourquoi et du Comment, une nouvelle ère commence.

La tradition religieuse créait une communauté de fait qui se retrouvait dans des coutumes : dans chaque église, synagogue et mosquée, des rituels identiques permettaient à chacun d’être adopté par le groupe de fidèles. Il y avait une perspective avec le Paradis proposé par la foi religieuse. L’humaniste a proposé à la place le progrès qui permet de se projeter dans un futur meilleur, pour soi et pour ses enfants. Or le XXe siècle a vu se dérouler des évènements qui vont changer la perception du pacte social. La Grande guerre avait causé 17 millions de morts, ce qui était déjà un traumatisme, mais le Seconde Guerre mondial laisse derrière elle entre 50 et 85 millions de victimes ainsi qu’un génocide industrialisé. Plus globalement, après Hiroshima, le monde entier est marqué par la puissance atomique et craint ce que les États-nation pourraient en faire.

La jeunesse des années 60, née sur ces charniers, se construit en opposition à la génération précédente à laquelle elle ne veut pas ressembler. On parle de contre-culture et celle-ci s’exprime dans l’idéologie comme dans les pratiques culturelles (musique, habillement…). Plus particulièrement, le mouvement hippie naît dans les années 60, mais il trouve son épicentre en 1967 à San Francisco : rien de surprenant sur le lieu et la date. Trois ans après l’engagement des forces américaines dans la guerre terrestre, ce sont désormais 510.000 soldats – trois fois plus que deux ans auparavant – qui sont stationnés au Vietnam, de l’autre côté du Pacifique, face à The City by the Bay. Les Américains appelleront le conflit la sale guerre, mais cette fois, elle passe à la télévision. Les caméras sont sur place presque constamment dans les zones de combat et les journalistes rapportent quotidiennement la situation le terrain. Plus rien ne sera comme avant pour l’opinion publique, pour qui les conflits militaires n’ont désormais plus rien d’abstrait.
L’information change la donne. Et il devient compliqué de faire confiance à des dirigeants, prêts pour des raisons géopolitiques peu partagées par le peuple, à engager la vie de des enfants de la Nation. La défiance envers les politiques s’exprime de plus en plus clairement. La conception religieuse garantissait la vie éternelle pour les plus pieux. Rien de comparable pour l’être de raison qui veut miser sur le progrès pour offrir à ses enfants une vie meilleure que la sienne, comparable à ce qui est mis en avant dans les publicités et au cinéma. Le déclassement social devient une nouvelle peur. Si la société devient utilitaire, le citoyen mesure ce qu’il a à gagner dans le contrat que celle-ci lui propose et il peut alors le remettre en cause s’il trouve ce contrat moins avantageux. On observe alors un délitement du lien social.
 
Le réveil est douloureux après l’euphorie des Trente Glorieuses et de l’essor de la société de consommation. Le choc pétrolier se traduit par une révision drastique de la croissance dans les pays de l’OCDE. Il provoque aussi l’apparition du chômage de masse, un concept philosophiquement destructeur dans un monde qui a érigé le travail en valeur centrale et comme un sésame pour bénéficier individuellement du progrès. Dans les pays les plus développés, non seulement la croissance baisse, mais elle bénéficie davantage à une partie de la population, qui est mieux adaptée à un monde évoluant rapidement. Le progrès est jugé bien décevant pour la majorité. Il conduit à intégrer que dans un jeu à somme nulle, ce n’est pas forcément du collectif qui faut attendre un bien-être supérieur, mais sans doute en tirant individuellement mieux partie des nouvelles règles du jeu économique, social et technologique. Pour certains, c’est même le spectre du déclassement social. La pollution et le nucléaire sont également perçus comme l’héritage d’une génération qui a fait confiance aux élites et qui propose un modèle unique. Malgré un bilan globalement positif de 200 ans de progrès technologique, il y a donc une tendance à la perte de confiance dans le collectif.
 
La notion même de nation est réinterrogée, car elle a conduit aux conflits sans amener au bonheur. À quoi bon donc, se satisfaire de ce pacte social décrit par Rousseau et accepter une aliénation à un tel collectif. Beaucoup de conflits actuels doivent encore à cette conception d’État-nation où la géopolitique prime sur la conception du bonheur que beaucoup de citoyens se font. Comme l’avait formalisé Jean-François Lyotard dans La Condition postmoderne en 1979, c’est tout le méta-récit construit depuis les Lumières qui est remis en cause comme cadre constituant d’une unité : outre la nation, la science, la politique et les arts ne sont plus des référents de la dynamique collective.
Il y a donc un doute sérieux à continuer comme avant en faisant confiance aux mêmes élites et aux mêmes méthodes. Et comme l’idéologie alternative, le communisme, s’effondre sans que le modèle libéral puisse satisfaire la grande majorité, il y a une volonté d’envisager les choses autrement pour construire un avenir meilleur. Les gouvernements sortants ne cessent d’être battus (une seule exception en France depuis 45 ans en onze élections législatives). C’est ce qui faisait dire abusivement à l’écrivain et ancien président tchèque : « L’élément tragique de l’homme moderne, ce n’est pas qu’il ignore le sens de sa vie, mais que ça le dérange de moins en moins ». En fait, il cherche une transcendance différente de celle que la société lui proposait précédemment. L’individu commence à définir un nouveau système de valeur avec lequel il apprend à négocier. Certains le trouvent, mais beaucoup cherchent. En 1995, la Commission d’enquête sur les sectes relevait une augmentation du nombre d’adeptes de 60 % depuis 1982. Il y avait alors 170 organisations identifiées. Désormais, on en compterait désormais environ 500 selon la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires mise en place depuis 2021. Elle relève que la France fait face à une croissance inédite des agissements à caractère sectaire avec un doublement des saisines par la justice en six ans.

Comme l’a montré le sociologue Albert Hirschman dans son livre Bonheur privé, action publique, l’individu traverse son existence en allant d’espoirs en déceptions, ce qui l’amène à redéfinir régulièrement ses priorités et à osciller entre l’optimisation de ses intérêts et de ceux de la société. Face aux défaillances d’une institution privée – une entreprise – comme publique, Albert Hirschman, dans un autre ouvrage, Défection et prise de parole, expliquait que les clients et usagers ont trois types de comportement : la loyauté (continuer comme avant), l’interpellation (la prise de parole, par exemple via une manifestation ou une réclamation) et la sortie (le désengagement en partant pour la concurrence, notamment). L’après-1968 s’est traduit pendant la décennie suivante par une société qui a cherché à se libérer de son conservatisme avec une dynamique générale portée vers les aspirations collectives. En France, comme dans de nombreux pays occidentaux, c’est une période de libération des mœurs, la seconde vague du féminisme, l’émergence de SOS racisme et les premières revendications LGBT. Suivront les années 80, qui par un effet de boomerang proposent un retour à un certain conservatisme et une valorisation de la réussite individuelle.
Après la loyauté comme modèle dominant, la période de l’interpellation s’est organisée depuis la fin des années 60. Mais de plus en plus de citoyens sont tentés de choisir la sortie vers un autre système. Après plusieurs siècles de croissance peinant à apporter le bonheur, cette insatisfaction des humanistes les rend particulièrement appétents à saisir un nouveau paradigme. La contre-culture des années 60 rejetait les normes conventionnelles et les autorités traditionnelles, mais il n’y avait pas – encore – de modèle alternatif à disposition.

Lorsque internet arrive dans les années 90, la société est prête à à la nouveauté. le dataïsme arrive.
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    Docteur en sciences de l'information et de la comunication, Laurent Darmon est le Directeur de l'Innovation de l'une des dix premières banques du monde

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